« Je Demande à Ce Qu’on Nous Vienne En Appui Pour Qu’on Puisse Sauver Cette Forêt »

  • Koua Mea Lucien Patrick

    Chef de Service Gestion Forestière à la Direction Régionale de l’Indenie Djuablin
    SODEFOR
  • Kouadio Elleby Joël

    Chef de l’Unité de Gestion Forestière de Bossematié
    SODEFOR

La forêt classée de Bossematié, près d’Abengourou en Côte d’Ivoire, constitue un patrimoine naturel rare. « Ici, on a encore des arbres centenaires, on a vraiment une biodiversité. II y a des éléphants, il y a toute sorte d’animaux et d’arbres qui cohabitent, c’est une forêt qui regorge de beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup d’animaux et d’arbres. » explique Koua Mea Lucien Patrick, Chef de Service Gestion Forestière à Direction Régionale de l’Indenie Djuablin, SODEFOR. « La Côte d’Ivoire a perdu plus de la moitié de ses forêts. Aujourd’hui, avec l’avènement du réchauffement climatique, il va falloir redoubler d’efforts pour protéger le peu de forêts que nous avons actuellement. »

La déforestation est en effet un problème majeur en Côte d’Ivoire, qui produit plus de 40% de l’approvisionnement mondial en cacao, l’ingrédient de base du chocolat. Selon Global Forest Watch, la Côte d’Ivoire a perdu 26% de ses forêts humides primaires entre 2002 et 2020, avec une part importante de la déforestation due à la culture du cacao. Pour mettre fin à la déforestation et restaurer les zones forestières, les gouvernements de Côte d’Ivoire et du Ghana et 35 grandes entreprises de cacao et de chocolat se sont associés dans l’Initiative Cacao et Forêts depuis 2017. En Côte d’Ivoire, le gouvernement agit pour restaurer son couvert forestier à 20% d’ici 2030.

« Nous avons l’obligation de protéger la forêt classée de Bossematié parce qu’elle a une biodiversité très importante dans la sous-région. Il faut la protéger pour le futur, pour nos jeunes générations. » confirme Kouadio Elleby Joël, Chef de l’Unité de Gestion Forestière de Bossematié pour la SODEFOR. « [la forêt] est beaucoup convoitée par des clandestins. Les personnes mal intentionnées qui viennent défricher () veulent coûte que coûte semer et avoir une plantation de cacao dans cette forêt. Nous avons aussi des chasseurs qui viennent d’ailleurs pour abattre nos éléphants. () Quand je rentre dans la forêt classée et que je vois un défrichement et des essences naturelles incinérées, il faut dire que j’ai un pincement au cœur, ça me choque. Et vraiment, je demande à ce qu’on nous vienne en appui pour qu’on puisse sauver cette forêt. »

En effet, protéger la forêt est une mission difficile, et dangereuse : « Souvent, les agents qui nous accompagnent dans nos différentes missions sont menacés dans la forêt. () Le 10 août passé, nous avons été attaqués à l’arme à l’aide d’un calibre douze. Cela ne nous a pas empêché de toujours mener notre mission de protection dans cette forêt. » continue Kouadio Elleby Joël. D’autre part, pour mener à bien les patrouilles journalières et nocturnes, des aménagements sont nécessaires : « Il faut beaucoup, beaucoup de moyens, que ce soit humain comme financier et matériel. On en a besoin pour payer des petits aménagements : Il faut ouvrir des voies d’accès aux différents sites et puis avoir les moyens humains pour pouvoir mener à bien cette mission, » explique Koua Mea Lucien Patrick.

En plus de cette surveillance, les agents mènent des actions de sensibilisation « pour impliquer davantage les populations riveraines pour la sauvegarde de cette forêt et aussi impliquer les autorités coutumières et politiques dans cette gestion de la forêt, » continue le chef de service. Une autre stratégie d’avenir prometteuse est la promotion de l’écotourisme, qui « consistera à créer des zones [pour] permettre aux touristes de mieux comprendre, de mieux visiter la forêt à différents endroits. Et je pense que ça pourra aider à s’impliquer plus dans la gestion puisque chaque fois, on verra des touristes. Grâce à l’écotourisme, on pourra former des guides, on pourra employer ces populations qui vivent autour de la forêt et elles s’impliqueront davantage dans la gestion de la forêt, » termine le chef de service de la SODEFOR.